Alors qu’elle n’avait que 15 ans Laetitia est partie vivre 1 an en Islande tout en continuant sa scolarité par le biais de l’association AFS Vivre sans Frontières. Elle est allée vivre à Myvatn dans le village de Reykjahlid qui compte environ 150 habitants et nous raconte sa vie là-bas dans cet article-interview 🙂
Vivre à Myvatn
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Góðan daginn ! Moi c’est Laetitia, étudiante de 23 ans prochainement en Master d’Études Interculturelles après avoir fini une licence de Langues Etrangères Appliquées.
Pourquoi es-tu partie en Islande? Et pourquoi as-tu choisi Reykjahlid à Myvatn?
L’année de mes 14 ans j’ai eu vent de l’association AFS Vivre sans Frontières, un organisme centenaire qui permet à des jeunes lycéens de partir un an à l’étranger en famille d’accueil tout en poursuivant leur scolarité. J’avais le choix entre une cinquantaine de pays, et mon premier vœu s’était porté sur les Etats-Unis mais lors du deuxième weekend de préparation, les pays du nord ont eu le droit à une bonne publicité. L’Islande était encore à l’époque (en 2009) relativement peu fréquentée, et une sorte de mystère entourait un peu ce petit pays ; je me disais donc que j’aurais moins d’occasions de la découvrir de l’intérieur que les Etats-Unis. J’ai modifié mes choix à ce moment-là et j’ai demandé l’Islande en premier vœu. Je n’ai pas eu le choix de la ville où j’allais vivre, ce sont les vingt familles locales qui ont choisi les jeunes qu’elles accueilleraient. Étant donné que je n’avais que quinze ans lors de mon départ, j’ai nécessairement atterri là où il y avait une école pour les plus jeunes comme moi (j’étais encore au collège dans le système islandais), c’est-à-dire à Reykjahlid, village de 150 habitants à Myvatn, région du nom du lac dans le nord de l’Islande, à 110 km de la ville la plus proche. Dépaysement total assuré !
Est-ce qu’il y avait des préparatifs particuliers à faire?
Je n’ai eu qu’à commander ma carte européenne d’assurance maladie, aucun visa n’étant nécessaire pour l’Islande. Et évidemment préparer mes valises pour dix mois dans le grand nord. Ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, n’était pas chose facile.
As-tu vécu un choc culturel important ?
J’ai été habituée dès mon plus jeune âge à voyager plutôt en immersion (j’ai par exemple grandi au Vietnam), ce qui fait que j’étais relativement préparée au choc culturel. Je dirais que le fait de me retrouver dans une école de 46 élèves âgés de 2 à 15 ans était vraiment dur, les relations extérieures étant bien limitées, moi qui venais d’un lycée de 1500 élèves… La ville la plus proche est à plus d’une heure de route, avec ses cinés, sorties, magasins. La météo n’était pas facile non plus. C’est vraiment pendant cette année que j’ai pris conscience à quel point le soleil et la lumière sont importants et vitaux. Le rythme des habitants est donc complètement chamboulé, tout tourne au ralenti à mes yeux, chaque chose en son temps. C’est une chose qui a vraiment été difficile à accepter au début mais que j’essaie finalement d’adopter depuis tellement ça fait du bien.
Qu’est-ce qui te plait le plus dans ta nouvelle vie ?
Je suis rentrée il y a maintenant six ans de ça mais j’y retourne tous les étés ou presque pour travailler donc j’ai eu le temps d’y réfléchir. Comme je l’ai dit plus haut, le fait que les gens ne se prennent vraiment pas la tête, vivent au jour le jour, ça c’est top. Les Islandais, bien qu’un peu froids au début, deviennent hyper accueillants dès que tu as brisé la glace (le fait de vivre en famille et d’apprendre l’islandais sont autant de facteurs encourageants pour mon intégration j’imagine). J’aime beaucoup leur humour noir, c’est vraiment globalement des gens très drôles. L’hiver on se calfeutre, on va au lagon local (source d’eau chaude chauffée par la géothermie, magnifique avec les aurores boréales dansantes en hiver), on reste au chaud en jouant à des jeux de société avec un bon chocolat chaud : la définition du cosy. En revanche l’été c’est la fête, d’avril à août le soleil ne se couche jamais et là tout se réveille et s’anime : il y a une énergie et une joie de vivre incroyable à ce moment de l’année, même dans un petit bled comme celui-là. Et puis les paysages… ils sont la cause de bien des syndromes de Stendhal. Ce sont des sensations uniques difficiles à décrire mais très fréquentes avec toutes ces petites merveilles.
A l’inverse, qu’est-ce que tu n’apprécies pas trop ?
Une des choses auxquelles j’ai eu vraiment du mal à me faire était le fait de vivre dans un village perdu de 150 habitants et d’avoir ainsi le sentiment d’être observée, de ne pas être libre de mes mouvements (ce qui était quand même le cas), d’être connue de tout le monde. C’était comme si je me sentais jugée en permanence, et étant donné que tout le monde se connaît c’est difficile de se créer sa place en toute indépendance, encore aujourd’hui. Mais avec du travail on y arrive petit à petit.
Y a-t-il eu des difficultés d’adaptation dans ta nouvelle vie ?
M’intégrer dans une classe de cinq élèves qui se connaissent depuis la naissance, m’adapter aux horaires de repas et cours, faire partie d’une famille de cinq inconnus et tisser des liens, le passage de l’anglais à l’islandais qui m’a fait perdre quelques amis, aller à l’école en combinaison de ski… Pas mal de défis oui !
Tu as longuement habité en France… Alors, tu préfères vivre à Reykjahlid ou dans notre cher pays?
Je ne pourrais pas vivre toute ma vie à Myvatn, c’est bien trop petit pour moi, il est difficile d’y rencontrer des gens. Mais j’ai comme besoin d’y retourner chaque année, c’est ma bouffée d’air frais, ma claque face aux paysages qui ne semblent jamais être les mêmes que l’année précédente, ma recharge d’énergie. En plus je suis toujours en d’excellents termes avec ma famille islandaise, donc c’est du pur bonheur quand j’y retourne.
Comment est le marché du travail là-bas ?
Le boom du tourisme depuis cinq ans fait qu’ils ont énormément besoin de travailleurs étrangers, plus uniquement les étés mais aussi en hiver.
Et le coût de la vie à Reykjahlid est-il très important ?
C’est (extrêmement) cher de vivre en Islande, surtout à Myvatn où la petite supérette pratique des prix 30% plus élevés qu’en ville. Je dirais qu’il faut gagner au moins 1000€ par mois pour pouvoir payer son loyer, manger correctement et se déplacer.
Les températures ne sont pas trop extrêmes en été ?
Cette question m’a fait rire. Elles sont extrêmes, oui, mais à l’inverse de chez nous : dans le nord il fait entre 5 et 15 degrés en été ( il neige parfois en mai-juin). Quand le thermomètre atteint les 20 degrés c’est exceptionnel, la canicule quoi.
Quelle anecdote t’a le plus marquée pendant ton séjour à Reykjahlid ?
Pas mal d’anecdotes rigolotes au fil des mois, entre les malentendus linguistiques et les différences culturelles… J’avais quand même été hyper contente de préparer un grand repas de Noël pendant dix jours à l’école avec tous les autres enfants, on avait plus de cours et on se concentrait uniquement sur ça : la nourriture, l’installation de la salle, les préparatifs du spectacle… Pas de bol, une tempête est arrivée, du coup on est tous restés cloîtrés chez nous le jour J sans rien goûter de tout ce qu’on avait préparé. Plutôt représentatif de l’Islande ! « En þetta reddast ».
Un dernier mot, un dernier conseil?
Je ne le répéterai jamais assez, pour s’intégrer en Islande le minimum est d’apprendre la langue. Rien que des rudiments, ça fait toujours plaisir aux gens, ils adorent aider d’ailleurs. Enfin c’est comme partout, des efforts de ce type sont essentiels 🙂 Les Islandais se prennent moins la tête que nous, d’ailleurs leur phrase fétiche est : « Þetta reddast », dont la traduction approximative serait : « ça va s’arranger », sous-entendu on verra bien ce qu’il se passe, laissons-faire les choses. Voilà, en Islande il faut se laisser porter par le vent, glacial au début mais qui nous manque finalement beaucoup une fois rentré…
Merci Laetitia pour ce témoignage. Ça vous a donné envie de découvrir l’Islande ? 🙂